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Investir le Continent Numérique

Le continent numérique, nous y sommes déjà avec une grande révolution technologique qui bouleverse l’espace-temps et les rapports humains. Rien n’échappe au numérique. Gardons-nous de n’y voir qu’un phénomène technologique et essayons de comprendre ses dimensions diverses : économique, sociale, culturelle, politique et éthique. Nous vivons à une époque où il y a 328 millions d’appareils qui sont connectés à Internet et d’ici 2020, ce sera plus de 50 milliards. Nous ne sommes donc qu’au début de la révolution numérique, avec ses menaces et ses opportunités. Nous devons en prendre conscience pour apprécier les implications que cela a et aura sur l’humanité. Aussi, il nous faut comprendre comment the Internet of Things (internet des objets en français) va changer nos vies plus rapidement que jamais auparavant dans l’histoire de l’humanité. Restons à Maurice et commençons par un rapide état des lieux.

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Etats des lieux

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Disons-le d’emblée : Maurice est actuellement bien équipé s’agissant de notre parc informatique dans les entreprises privées, l’administration publique et les ménages, de même que la connectivité. Bien entendu, il y a encore des progrès à faire. Avec une contribution (chiffres pour 2016) de 5,7 % au Produit intérieur brut (PIB), une croissance de 5,4 % et quelque 23 000 emplois dans quelque 750 compagnies opérant dans ce secteur qui exporte pour Rs 9,6 milliards de produits et crée Rs 22 milliards de valeur ajoutée, le secteur des Technologies de l'information et de la communication (TIC) est déjà un pilier important de l’économie.

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Dans l’échelle des international indices, Maurice est plutôt bien positionné avec les câbles SAFE et LION, un Fibre to the Home (FTTH), couvrant tout le territoire d’ici décembre 2017. Les indices de pénétration du numérique (par rapport à la population) indiquent les chiffres suivants : internet 86,3 % ; broadband 68,3 % ; ordinateur personnel 54,7 % ; téléphone portable 144 % (un certain nombre de Mauriciens a plus d’un appareil), smartphones 59,6 %.

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L’e-gouvernment progresse. Le plan stratégique 2030 identifie les problématiques touchant le mismatch entre l’offre et la demande pour les emplois, la nécessité de la formation des talents aux technologies avancées - cloud, apps de même que le big data. Il est aussi question de tout le chantier de l’innovation et de la recherche avec une rationalisation des structures institutionnelles pour optimiser le R&D et l’internet des objets. Ceci dit, il y de sérieux problèmes de fonctionnement avec des pannes plus ou moins longues, de lenteur dans la connectivité et un service-clientèle qui laisse à désirer dans certains cas.

La mise en place et mise en œuvre de ce plan stratégique ne peuvent être réduites à sa seule dimension technologique. Le numérique doit servir l’homme qui doit rester au centre. Un rapide survol de l’évolution de ce secteur est nécessaire pour une mise en perspective, d’autant plus que la croissance dans ce secteur est exponentielle.

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Des centres d’appels aux plateformes

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Notre entrée dans le numérique avec les premiers tours de la cyber cité d’Ebène remonte à 2003. Au début, c’était essentiellement des centres d’appels qui nous avaient amenés à parler des «pianoteuses» prenant le relais des tricoteuses de la zone franche. Le BPO est venu s’ajouter rapidement. Depuis, une lente diversification dans plusieurs créneaux dont le développement des logiciels et autres applications est apparu. Il s’agit maintenant, fort des acquis, de monter en gamme pour privilégier les segments à forte valeur ajoutée. Oublions un Silicon Valley à Maurice, en raison d’un marché intérieur trop petit ; l’avenir se trouve à l’extérieur avec l’Afrique, continent d’avenir plein d’opportunités. C’est en tout cas ce qu’avancent les spécialistes - opérateurs qui ont fait leur preuve. Oui, Maurice a un réel savoir-faire pour tripler ses revenus dans le secteur TIC, excluant MT, dans 4 à 5 cinq ans.

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Il faut faire vite car cela va très vite. L’Afrique ne nous attend pas ! Vivement que tous les acteurs concernés travaillent pour exploiter et optimiser les plateformes numériques en partenariat avec les pays d’Afrique. Une articulation de nos petites et moyennes entreprises – épine dorsale de notre économie - et de nos grands groupes peut concrétiser la démocratisation des opportunités tant nécessaire pour notre devenir économique. 

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Entreprises, intelligence artificielle et  valeur humaine  

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Le numérique - avec l’intelligence artificielle et la robotique - soit la quatrième révolution industrielle, est en train de bouleverser le monde des entreprises et du travail. L’ampleur est donnée par Bloomberg qui avance que «jobs taught to machines put ½ the US workforce at risk. The days of many workers performing the same menial tasks are quickly coming to an end». Les middle-skill jobs et low-skill seront les plus touchés. Notre pays ne va pas échapper à cette tendance. Il y a un début de prise de conscience qui doit s’approfondir rapidement pour éviter toute bourrasque. Avec la robotique, l’intelligence artificielle (IA) va remplacer les travailleurs humains ; toutefois, il faut le voir aussi comme facilitant le travail humain, diminuant la pénibilité et augmentant la productivité A long terme, l’IA moyennant qu’elle soit règlementée peut être très positive.

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Une bonne partie de nos entreprises est consciente de la nécessite d’intégrer le numérique en raison de ses avantages multiples, dont le exceptional highly relevant customer experience. Le défi consiste cependant à développer la relation entre l’humain et la machine en combinant les idées créatives des gens avec les technologies avancées. Il y a tout le volet du changement technologique couplé au changement culturel qui est ici en jeu.

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Concernant l’état des entreprises, certaines études-enquêtes disent qu’elles sont fully digital pour 16 %, hybrid pour 63 % et non digital pour 23 %. Où en est-on à Maurice avec nos entreprises ? Car plus que jamais, les jeunes doivent apprendre à interagir de façon collaborative et à développer une pensée stratégique. Cela suppose de s’engager à guider nos technologies avec sens de responsabilité pour créer des opportunités pour tous et non pour une poignée. Le professeur Joël de Rosnay parle du rôle central que la direction de l’intégration numérique est appelé à jouer pour que les rapports de flux remplacent les rapports de force. 

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L’optimisation du potentiel du numérique dans l’administration publique tant pour améliorer la productivité et la compétitivité et la qualité de la vie au travail et pour les citoyens, passe par une réforme en profondeur de ses structures et son fonctionnement. Le tout s’inscrivant dans une politique rigoureuse de gestion de l’argent public.

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Education et numérique

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Il n’est pas nécessaire d’insister ici sur le rapport entre le numérique et l’éducation, aspect qui sera développé dans la problématique Education et économie de la connaissance. L’extrait qui suit d’un document de THINK STEAM* explique l’essentiel pour dire que quand les enfants possèdent une capacité à absorber et d’autres facultés plus élevées d’intelligence qui sont plus actives que quand ils grandissent. Les désirs des enfants de même que leurs passions doivent être exploités dans une perspective stratégique. Il leur faut un esprit et une envie de partage très tôt, domaine où le système éducatif en cours a échoué. Selon ses auteurs, c’est une attitude qu’il faut inculquer depuis la petite enfance et qui est contraire aux formes éducatives existantes dans le système capitaliste.

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Il y a en jeu des «human skills development in these new areas of thinking». Les emplois qui resteront en grande demande sont ceux où la dimension humaine est sollicitée pour le «critical thinking, social finesse and emotional intelligence such as with the management of people and those jobs that require persuasive skills such as in sales », disent-ils encore. Un road map pour les métiers d’avenir est une nécessité.

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Au delà des emplois, il y des opportunités pour créer des entreprises. Il faut donc s’adresser aux défis difficiles mais combines exaltantes que nous pose la «rapidly changing 21st-century economy», écrivent-ils.  

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L’humain et la technologie

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Ne tombons pas dans le fétichisme technologique. Les technologies ont leurs prouesses et sont capables de merveilles sans oublier tous les potentialités qu’elles recèlent. Mais l’humain reste le maître du jeu, car il a des choses que la technologie n’a pas et que seul l’homme possède, soit des valeurs réelles et durables et capables de résoudre la crise du sens. Le dénominateur commun de notre stratégie pour investir à fond le continent numérique à tous les niveaux et dans tous les champs reste la finalité démocratique et humaine.

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Notre mandat doit être éthique dans son sens large. Le monde est connecté avec un nouvel espace-temps impactant sur les rapports sociaux et à l’origine de l’émergence et de l’affirmation de nouvelles communautés. Le défi sera de ne pas se laisser porter mais plutôt d’être ceux qui portent, dans une ère marquée par des changements qui se télescopent, s’amplifient dans un jeu combinatoire complexe. Le prof. Joël de Rosnay explique que l’Internet va disparaître pour céder la place à l’écosystème numérique et que l’ère de la communication fera place à l’ère de la symbiose avec des systèmes innovants reposant sur les liens humain et social.

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Investir le continent numérique vise à créer de nouvelles opportunités économiques pour développer un pilier de l’économie nationale et bâtir une communauté plus unie et inclusive. Le but étant d’être au service d’un projet de société se conjuguant avec une démocratie citoyenne participative pour assurer et porter un développement vert, humain et moderne.

*Une compagnie engagée dans l’éducation.

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-Malenn Oodiah

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