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L'économie Bleu-Vert

Pensons l’avenir de l’État mauricien comme État-océan avec la Zone économique exclusive (ZEE), qui constitue une précieuse richesse à mettre en valeur. Il faut s’entendre sur une stratégie et le modèle économique. Tous les «stakeholders», dont les pêcheurs et leurs familles, doivent tirer profit de l’économie bleue. Ici, comme ailleurs, le besoin de cohérence avec l’orientation générale résolument dans le sens du développement durable se fait jour.

 

Le défi de l’économie bleue consiste à articuler intelligemment l’économie bleue et l’économie verte. Dans l’actualité, l’aquaculture en mer et le «Petroleum Hub» d’Albion sont des cas où s’impose tout simplement le principe de précaution au vu de données existantes.

 

Une ZEE est, d’après le droit de la mer, un espace maritime sur lequel un État côtier exerce des droits souverains en matière d’exploration et d’usage des ressources. Elle s’étend à partir de la ligne de base de l’État jusqu’à 200 milles marins (environ 370 km) de ses côtes au maximum ; au-delà, il s’agit des eaux internationales.

 

La ZEE de Maurice comprend les côtes de l’île, de Rodrigues, de St-Brandon (récifs de Cargados Carajos), d’Agalega, de Tromelin et des Chagos. Elle s’étend sur plus de 2,3 millions de kilomètres carrés, ce qui représente presque 1 250 fois la taille de notre île principale. Un stock abondant de différentes espèces de poissons et autres ressources s’y trouvent.

 

L’océan Indien, géostratégie et acteurs

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Les océans sont stratégiquement importants pour les grandes puissances. Et nous n’avons jamais su, réellement, en tant qu’Étatocéan, en voir la valeur, non seulement économique, mais aussi au niveau de notre patrimoine, de notre histoire et de la protection des diverses populations qui composent la République de Maurice.

 

La région de l’océan Indien représente l’une des principales zones de pêche au monde. La pêche commerciale du thon est l’objet d’âpres négociations entre pays riverains, qui veulent éviter la surpêche et les grandes sociétés thonières étrangères impliquées dans l’océan Indien.

 

Pour développer l’économie bleue, il faut compter sur la géopolitique et la géostratégie économique dans notre océan. Avec Agalega et le «Petroleum Hub» d’Albion annoncé, l’Inde est bien présente. Le Premier ministre a déclaré que Maurice, à lui seul, ne peut développer sa vaste ZEE, sans l’aide de l’Inde.

 

La Chine, l’autre puissance maritime de la région, vient de réitérer sa volonté de participer au développement du secteur de la pêche. Notamment avec un projet de port de pêche dans la région côtière de Bain-des- Dames. Au sein des pays de l’océan Indien et du continent africain, l’économie bleue se développe.

 

Nous avons des accords de pêche avec les Seychelles et des partenariats avec le Kenya et le Ghana. Pour compléter le tableau, Maurice a des accords avec le Japon, acteur présent dans ce secteur depuis des années ; et l’Australie est présente dans le secteur de l’aquaculture au moyen des technologies avancées.

 

Vision et états des lieux

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La vision du gouvernement est de faire de Maurice, dans les dix prochaines années, une nation pleinement consciente de son immense potentiel en tant qu’État-océan. Le programme gouvernemental de 2012- 2015 identifie le développement de l’économie océanique comme un domaine prioritaire pour la croissance économique et la création d’emplois.

 

Une feuille de route comprend sept principaux axes d’activités économiques. Les cadres régulateurs favorisant le développement des activités émergentes ainsi que les nouveaux secteurs de l’industrie océanique seraient au point d’être finalisés. Où en est-on aujourd’hui en ce début de 2018 ?

 

Le port – pêche et port franc

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Notre ambition est de faire de l’économie océanique un pilier de l’économie nationale. Mais aussi de positionner Port-Louis comme un hub régional important pour les activités portuaires, avec des investissements conséquents pour les prochains dix ans, avec l’objectif de créer 3 500 emplois et contribuer davantage à la croissance. Actuellement, les activités portuaires représentent 2 % du PIB et 9 000 emplois. Cela comprend les infrastructures, les équipements et la logistique pour le transbordement des conteneurs.

 

D’importants projets des nouvelles infrastructures pour stocker les produits pétroliers à Fort-William, la construction d’une marina à Grande-Rivière-Nord-Ouest et l’aménagement d’un «Petroleum Hub» à Albion seront en cours ou seront lancés. On vise à attirer 5 % du marché du transit dans l’océan Indien des produits pétroliers d’ici 2020, soit le double de 2015.

 

Le secteur de la pêche représente actuellement 1,5 % de notre PIB avec 22 000 emplois, y compris ceux des usines de mise en boîte, et constitue un secteur ayant un gros potentiel. Dans le développement de ce secteur, l’aquaculture tient une place de choix avec les 22 sites alloués. Cependant, les risques liés à l’aquaculture en mer provoquent des questionnements sur le bien-fondé du lancement de cette activité.

 

La panoplie d’activités de l’économie océanique comprend aussi la transformation des produits de la mer ; les énergies marines renouvelables – l’hydromarin, l’exploitation de l’énergie provenant des courants des profondeurs océaniques et l’éolienne en haute mer, entre autres, – ; l’exploration des fonds marins pour des hydrocarbures et des minéraux ; ainsi que des ressources à usage pharmaceutique.

 

Surveiller, sécuriser, protéger

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Notre ZEE n’est pas suffisamment surveillée et protégée. À travers le monde, les océans représentent la dernière frontière. Des bateaux ont pillé les lagons cristallins de Saint-Brandon et agissent impunément. Nos ressources sont menacées et dépecées. Le secteur de la pêche industrielle serait une boîte noire avec des bateaux «poubelles» qui sillonnent les mers, pêchent et détruisent tout sur leur passage. Il s’agit donc, pour s’attaquer au problème de pêche illégale dans les eaux territoriales de Maurice, de revoir notre système de surveillance, qui constitue un volet stratégique qui va au-delà de l’opération de quelques bateaux.

 

Nous éprouvons déjà des difficultés à protéger nos lagons et notre zone territoriale proche. Il faut revoir tout le système, mais aussi démontrer notre volonté de protéger notre zone exclusive, et la faire fructifier sainement pour en faire comme nous l’ambitionnons, un des principaux piliers de notre modèle économique de demain.

 

Le contrôle des activités de pêche requiert une application sans faille. Inspirons-nous des Seychelles et des méthodes de surveillance faisant appel aux dernières technologies qui permettent de traquer et de saisir les bateaux de pêche qui opèrent illégalement.

 

Allons-y aussi pour une augmentation de la surface de nos aires marines protégées en haute mer, en ligne avec les engagements de créer plus de 10 % d’aires marines protégées d’ici 2020. Les Seychelles ont placé l’objectif à 30 % et, pourtant, elles sont situées dans des zones très poissonneuses. Atteindre les objectifs passe par une stratégie de surveillance et des mesures concrètes et efficaces pour sévir et tenir les pirates à distance avec l’utilisation du «Marine Spatial Planning System». Ce n’est qu’ainsi que nous réussirons à établir notre souveraineté sur notre zone économique exclusive. Il faut agir avant qu’il ne soit trop tard.

 

Stratégie, priorités et phases

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Une réflexion stratégique globale s’impose. On ne peut tout faire en même temps. Dans le choix des créneaux, la conformité avec le développement durable doit être privilégiée. Les spécialistes et experts avancent l’absence de cadres légaux et techniques et la nécessite de définir les priorités. Ils soulignent aussi l’importance des investissements massifs.

 

Optimistes, ils avancent qu’on n’est pas dans le «can», mais dans le «when ?» Ils mettent en exergue le manque d’esprits et de «drivers» novateurs. Il faut aussi, avancentils, ne pas réduire la question à la seule dimension économique. Il va de soi qu’il faut mettre en oeuvre de vrais partenariats pour la mise en place et la mise en oeuvre de l’économie bleue.

 

Le transfert des technologies, une politique de formation ambitieuse pour les différents créneaux/ segments d’activités qui seront privilégiés et la recherche comme un axe de l’économie de la connaissance avec le déploiement d’un pôle spécialisé sont autant de points à développer. On en parle depuis 15 ans. Après des débuts timides et beaucoup de déclarations d’intention et d’effets d’annonce, ils sont toujours embryonnaires.

 

Pour avancer, il ne suffit pas d’afficher ses ambitions, il faut se donner les moyens pour arriver à un modèle équitable et durable. Quel est ce modèle ? C’est là tout le débat avec, en jeu, notre indépendance, notre souveraineté, les intérêts des pêcheurs et ceux de la population mauricienne.

 

Disons-le d’emblée : l’économie bleue commence par une politique d’assainissement de nos lagons, affectés par la surpêche, des polluants de diverse nature et autres agressions. Il faut être audacieux dans notre politique sur cet aspect. Soignons, innovons pour sauver nos lagons. Sans être alarmistes, nous pouvons dire que nos lagons et notre littoral sont sérieusement menacés.

 

Il y a urgence nationale. Partant du constat que la jeunesse n’est pas consciente de ce qu’est l’économie bleue, le projet d’oceanarium d’Eclosia, qui a pour vocation de s’inscrire dans le cadre de la recherche appliquée, peut servir de tremplin – catalyseur afin de faire découvrir ce que représentent les océans. Une campagne de sensibilisation bien conçue et de grande envergure devrait être menée pour conscientiser et sensibiliser les enfants, les jeunes et toute la population. L’initiative de conscientisation de Bis lamer de l’organisation non gouvernementale Reef Conservation mérite d’être démultipliée.

 

Avec L’État-océan, c’est notre place dans le monde qui est en jeu sur fond de géopolitique de l’océan Indien. Si toute la finesse de notre diplomatie sera sollicitée pour assurer ce positionnement dans la région et dans le monde, la pierre angulaire doit rester un développement qui assure la sauvegarde de nos ressources pour les générations futures et assure le bien-être général. En un mot, une économie océanique bleu-vert.

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-Malenn Oodiah

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