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“Le Centre de Gravité du XXIe Siècle."

Contribution spéciale de Priya Bahadoor sur l'océan Indien 

L’océan Indien, le troisième océan de par sa taille géographique, est aujourd’hui considéré comme un des points névralgiques de la planète. Un sur trois vraquiers et 25% du trafic mondial transitent par cet océan. C’est la raison pour laquelle il est considéré comme “le nouveau centre de gravité stratégique de la planète[1]”. Robert Kaplan, journaliste américain a décrit l’océan Indien comme “le centre de gravité du XXIe siècle[2]”. 

Pourquoi tant d’engouement pour cette partie du monde? 

 

"Les espaces maritimes, qui, par le passé, ont joué un rôle important dans les échanges, participent aujourd’hui, plus que jamais, aux dynamiques de la mondialisation. Nous assistons à une ‘maritimisation’ croissante de l’économie mondiale où les échanges maritimes ont été multipliés par 10 entre 1950 et 2000”. Les routes maritimes traversant l’océan Indien sont donc importantes pour les pays l’utilisant pour non seulement transporter des matières premières mais aussi comme espace de connexion entre l’est et l’ouest. 

La présence américaine, française, indienne et chinoise ne passent pas inaperçues. Les Américains sont venus combler le vide stratégique que les Anglais allaient laisser dans l’océan Indien avec la décision d’évacuer leurs troupes stationnées à l’est de Suez pendant de la Guerre Froide. Le Royaume-Uni a détaché l’archipel des Chagos du territoire mauricien le 8 novembre 1965 avant d’accorder l’indépendance à l’île Maurice. Cet acte est en violation de l’article 6 de la résolution 1514 du 14 décembre 1960 sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux qui stipule que toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et les principes de la charte des Nations Unies. Diégo Garcia a été louée en 1966 aux États-Unis. Les habitants de l’archipel des Chagos ont ensuite été évacués de leurs îles natales contre leur gré pour la construction d’une base militaire sur Diégo Garcia. 


En face de la présence grandissante des bâtiments de guerre soviétiques pendant la Guerre Froide, les États-Unis ont voulu maintenir dans l’océan Indien des points d’appui afin d’assurer la liberté de navigation. Cela, au détriment des droits des Chagossiens qui ont été bafoués. La base de Diégo Garcia est devenue, aujourd’hui, une des plus importantes dans le dispositif militaire états-unien à cause de sa position géostratégique. 

La France, le premier investisseur européen de l’océan Indien, est présent à travers nombreux de ses territoires, dont, La Réunion et Mayotte. Si certaines personnes, celles qui sont pour l’élimination complète du colonialisme, sont contre cette présence française, d’autres voient en cette puissance une source de financement pour de nombreux projets de développement de la région. Elle est bien le premier investisseur européen de la région ayant parrainée plusieurs projets de la COI comme la surveillance de la piraterie dans la région. 

La deuxième puissance économique mondiale, la Chine dépend largement des ressources énergétiques originaires du Moyen-Orient et utilisant l’océan Indien comme zone de transit. Un rapport révélé par les médias américains en 2005 a souligné la stratégie navale chinoise de “collier de perles” dans l’océan Indien. La présence chinoise sur les points stratégiques à travers ses chaînes de ports a pour but d’assurer la libre circulation de ses approvisionnements énergétiques et non de transformer ces points d’appuis en bases militaires. Cette stratégie de “collier de perles” est vue comme une illusion par certains analystes. 

La présence chinoise sur le continent africain; les liaisons aérienne directes entre des pays comme le Zimbabwe et l’Angola et la République Populaire de Chine et les visites des présidents chinois successifs indiquent qu’il y a bel et bien une stratégie chinoise en Afrique. Depuis 2004, après les États-Unis, la Chine est le second importateur du pétrole africain. 

Les activités chinoises dans l’océan Indien et le continent africain n’ont pas laissé les Indiens indifférents. L’Inde, qui considère l’océan Indien comme son arrière-cour, a, depuis quelques années, revu sa stratégie concernant cette partie du monde. La tournée du Premier ministre indien, Narendra Modi, en début de 2015 à Sri Lanka, Maurice et aux Seychelles avait pour but de contrer l’expansion chinoise dans cette région. Suite à un mémorandum d’accord entre les Seychelles et l’Inde, cette dernière a accordé son aide au gouvernement seychellois pour la construction des infrastructures militaires sur l’île de l’Assomption. L’Inde apporte aussi son aide aux Seychelles dans le domaine de la défense et de la sécurité. Plusieurs navires, parmi lesquels on retrouve ceux de l’opération Atalanta, utilisent le port de la capitale seychelloise comme escale pendant leurs missions internationales afin de contrer la piraterie qui est devenue une problématique incontournable de l’océan Indien. 

L’Inde aide aussi L’État mauricien en finançant la construction de certaines infrastructures à Agaléga. Une piste d’atterrissage et des facilités de débarquement doivent être construites sur l’île qui a moins de 300[3] habitants d’après les dernières statistiques. Le déplacement des habitants d’Agaléga à l’île Maurice pour bénéficiers des services de base, comme la santé et l’éducation fait penser aux habitants de l’archipel des Chagos qui devaient faire la même chose jusqu’aux années 1970, c’est-à-dire, leur déportation à l’île Maurice et aux Seychelles. 

Pourquoi tant d’intérêt pour l’océan Indien? Est-ce pour les trésors potentiels que peuvent renfermer l’espace maritime? Les récentes découvertes concernant certaines ressources énergétiques comme le gaz et le pétrole au large du Mozambique attirent l’intérêt de plusieurs acteurs Étatiques et commerciales. Si ces découvertes indiquent que l’océan Indien pourrait abriter des zones à fort potentiel de gaz ou du pétrole, les groupes industriels affirment que l’exploitation de ces ressources n’est envisageable qu’à partir 2022 ou 2023. La région comprend plusieurs zones qui n’ont jusqu’à présent pas encore été prospectées. 

L’océan Indien est la deuxième plus grande réserve thonière mondiale. La pêche thonière dans l’océan Indien représente environ 20 % des captures mondiales (avec la pêche illégale, ce chiffre peut être plus). Cela explique partiellement la raison pour laquelle L’Union Européenne est un des bailleur de fonds de plusieurs projets concernant la région. À titre d’exemple, le financement du “Programme Thonier” de 1989 et la lutte contre la pêche illégale afin de permettre une exploitation responsable et durable des ressources halieutiques. D’après les études menées par la FAO, “l’offre mondiale de poisson de consommation par habitant est passée d’une moyenne de 9,9 kg dans les années 60 à 18,4 kg en 2009[4]”. Si l’exploitation de la pêche n’était pas contrôlée dans le passé, on a aujourd’hui de nombreuses législations qui garantissent une bonne gouvernance de cette activité. Pour cela, il faut avoir les ressources nécessaires pour pouvoir régulariser la pêche. 


Maurice a une ZEE d’environ 1,1 million de kilomètres carrés(1,9 si on inclut les revendications territoriales). Elle ne possède hélas pas suffisamment les moyens de surveiller cette vaste zone en permanence quand il s’agit de détecter et d’empêcher la pêche illégale à l’intérieur de sa ZEE.

Heureusement qu’il y a des exercises de coopération avec de nombreux acteurs étatiques ainsi que des ONG et des organisations régionales en vue de contrer la pêche illégale dans la région. L’Inde offre de l’assistance technique régulière à l’État mauricien en faisant patrouiller ses navires dans la ZEE mauricienne tout comme la COI qui aide aussi les autres membres à travers des projets comme Smartfish. La surpêche est un des dangers qu’il faut prendre en considération pour ne pas déranger l’équilibre de l’environnement marin. 

De nombreux enjeux économiques ainsi que stratégiques poussent les anciennes puissances coloniales et certains pays à participer activement dans la sphère de l’océan Indien. Si l’Inde se penche vers la Blue Diplomacy, les États-Unis, eux, ne sont pas prêts à délaisser leur base militaire de Diégo Garcia car le bail concernant l’îlot en question a été prorogé pour 20 ans de plus après son expiration en 2016. La France, avec deux départements et territoires dans l’océan Indien, y est bien ancrée. La Chine, quant-à-elle, après s’être intéressée à trouver des points d’appuis dans la région, s’intéresse plus dorénavant au continent africain. 

[1] Lalieu.G(2010)Océan Indien: ici se joue la grande bataille pour la domination mondiale. Investig’action 


[2] Samaan.J-L(2012)Géopolitique de l’océan Indien.Hérodote. No.145 


[3] http://statsmauritius.govmu.org/English/Publications/Documents/EI1299/Pop_and_Vital_Stats_2016.pdf 


[4] http://www.lenouvelafrique.net/news/2014/10/19/a-domaine-porteur-avenir-certain-10-2014?print_version=

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-Priya Bahadoor, 25 Juin 2017

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